LES PROPHÉTIES DE MERLIN EN PROSE

Le roman arthurien en éclats (réimpression de l'édition de 2009)

KOBLE NATHALIE


Écrites en français dans les années 1270, probablement par un franciscain de Venise, les Prophéties de Merlin du pseudo-Richard d’Irlande couronnent près d’un siècle d’écriture en prose. Ce texte protéiforme, à l’image des « muances » qui caractérisent les apparitions de Merlin dans les romans du XIIIe siècle, réfléchit les tensions inhérentes à l’écriture des cycles romanesques. Le texte est placé sous le signe de la métamorphose : sa tradition manuscrite, sa composition, ses procédés d’écriture travestissent la forme romanesque et donnent naissance à un roman décentré et instable, qui joue de l’effet de cycle pour ouvrir la fiction arthurienne à d’autres espaces littéraires. Dernier roman du Graal, le récit affiche ses principes d’écriture : la parole prophétique, omnisciente, est transmise par un dispositif fictionnel complexe qui assimile l’héritage de Robert de Boron et de ses successeurs. Pour transformer le discours prophétique en roman, le prosateur érige la mise en écrit des œuvres de Merlin en aventure et fait mourir prématurément son protagoniste, « entombé » dans une montagne magique : la voix prophétique, intarissable, reste enfouie, recueillie par une multitude de personnages qui parcourent les forêts en quête du tombeau ou se pressent dans l’atelier d’écriture pour y continuer le livre posthume. Leurs errances croisent les aventures des chevaliers arthuriens, déstabilisés par la folie dans laquelle a sombré leur roi, un moment dessaisi de sa fonction centralisatrice au profit d’autres modèles de souverain, d’autres terres de fiction. En faisant mourir le « Prophète des Aventures », le romancier se libère d’un langage univoque et livre la fiction arthurienne à une multiplicité de points de vue, au risque d’en bouleverser l’harmonie. Rivales du maître défunt, les fées du royaume incarnent les enjeux poétiques du roman en prose : dans les Prophéties de Merlin, la passation de pouvoir du prophète aux fées, du singulier au pluriel, de l’omniscient au fragmentaire, de l’autorité à la rivalité, révèle que l’écriture romanesque est inséparable de la polyphonie et de l’excès et laisse entrevoir l’ombre inventive du compilateur.

Nathalie Koble est maîtresse de conférences à l’École normale supérieure (Paris) et à l’École polytechnique (Palaiseau), où elle enseigne la littérature du Moyen Âge, la langue française et les pratiques d’écriture créative. Ses recherches sont consacrées à la tradition manuscrite et à la conscience formelle des textes médiévaux (poésie et récits), à leur mémoire inventive, ainsi qu’à la traduction et à la pratique de la poésie. Chez Honoré Champion, elle dirige, avec Mireille Séguy, la collection « Mémoire du Moyen Âge ».




87.20 CHF

Fiche technique

EditeurHONORE CHAMPION
CollectionNOUVELLE BIBLIOTHEQUE DU MOYEN AGE
Format15,5 X 23,5 CM
No dans la collection0092
Nombre de volume1
Nombre de pages592
Type de reliureBROCHÉ
Date de publication27/02/2023
Lieu d'éditionPARIS
ISBN9782745360007
EAN139782745360007

Extraits